Que fait l’IGN pour les journalistes de données ?

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Commençons par le début : pour faire du journalisme de données, il faut des bases de données. Le premier enjeu du database journalism, avant le modèle économique ou le webdesign, c’est donc l’ouverture des données publiques. Car si les journalistes peuvent collecter eux-mêmes certaines données, ils ont nécessairement besoin, pour les traiter, de bases documentaires existantes.

En effet, la production de sens naît souvent de la confrontation entre deux ou plusieurs bases de données. Le crime mapping, par exemple, met en relation des données géographiques (délimitation des rues et des quartiers) et des données policières (listes de délits) ; de même, le New York Times a mis en parallèle des données sociodémographiques et des données économiques pour produire sa très belle infographie montrant les inégalités face au chômage selon la race, le sexe, l’âge et le niveau de formation.

En France, les principales bases de données géographiques sont détenues par l’IGN (Institut géographique national) et sont accessibles via le site Web de l’établissement public ou via son géoportail. Ce géoportail permet de naviguer en 2D ou en 3D sur des photos aériennes, des cartes et des données géographiques sur l’ensemble du territoire français. Ouvert en 2006, il s’inscrit dans le cadre de la directive européenne INSPIRE (Infrastructure for Spatial Information in the European Community) visant à favoriser la production et l’échange de données géographiques entre Etats membres de l’Union.

L’IGN détient, pour l’ensemble du territoire métropolitain et les départements d’Outre-mer, des bases de données relatives :

– au relief sur la France

– à l’orthophotographie (images aériennes ou satellitales de la surface de la Terre rectifiées géométriquement)

– à l’information cadastrale

– aux adresses

– aux réseaux routiers

– aux limites administratives

– aux toponymes

L’IGN conserve aussi des bases de données géographiques à l’échelle de l’Union européenne

Parmi toutes ces données, certaines sont gratuites, librement exportables, d’autres nécessitent le paiement d’une licence, d’autres encore sont accessibles gratuitement mais sous forme d’échantillon.

Les bases de données librement accessibles en format numérique concernent :

– le référentiel du relief sur la France décrivant la forme du terrain à différentes échelles

– le réseau hydrographique français

– la description de l’ensemble des unités administratives françaises

– le Répertoire Géographique des Communes

– la carte routière 901 IGN sous forme de dalles géoréférencées

– les contours délimitant le monde terrestre et le monde marin

Par ailleurs, l’IGN met à disposition sur son site des fiches techniques de géodésie et de nivellement ainsi que toutes les données issues des différentes stations du Réseau GPS Permanent (RGP).

Les photos aériennes sont également consultables et seront bientôt téléchargeables gratuitement ou à un très bas prix.

Enfin, le géoportail teste une API JavaScript qui permet d’incorporer dans son site Internet des cartographies dynamiques superposant plusieurs couches de données (cartes IGN, photographies aériennes, parcelles cadastrales, routes, bâtiments, limites administratives, réseau hydrographique, réseau ferroviaire…)

Pour le moment, l’API Géoportail est en phase de bêta test, donc téléchargeable gratuitement. A l’avenir, elle nécessitera de souscrire à un contrat spécifique, même si 100 000 pages vues gratuites seront accordées aux sites Internet grand public.

Malgré tout, hors de ces données en accès libre, il faut, pour utiliser les bases de données les plus importantes, acheter une licence coûteuse.

Que conclure à l’issue de cet exposé ?

Les bases de données fournies gratuitement par l’IGN suffisent-elles pour la majorité des cartographies ?

Finalement, qu’offre l’IGN de plus par rapport à ce que Google Map donne déjà ?

N’ayant jamais réalisé de cartographie moi-même, je n’ai pas la réponse à ces questions, mais je suis très curieuse de connaître vos opinions sur la question.

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10 Réponses to “Que fait l’IGN pour les journalistes de données ?”


  1. 1 carolinegoulard 27 novembre 2009 à 10:42

    Un grand merci à Alain Chaumet (IGN Partenariats Géoportail) pour les infos

  2. 2 nicolas. 28 novembre 2009 à 10:51

    Je viens de jeter un oeil à l’API de l’IGN, et je crois que Google Maps a pas trop de soucis à se faire.

    Si l’IGN offre de jolies cartes, rien n’est prévu pour la géolocalisation (transformer une adresse en coordonnées avec latitude et longitude).

    Ce qui serait top, c’est un service de géolocalisation où l’IGN donnerait, pour chaque point sur la carte, la ville, le canton, la parcelle cadastrale etc.

  3. 3 carolinegoulard 28 novembre 2009 à 11:31

    Ok, je comprends le problème :

    l’API de l’IGN permet de faire des cartes figées (le journaliste de données propose une carte)

    mais elle ne permet de proposer de la cartographie interactive (les utilisateurs peuvent chercher les données qui les intéressent pour une zone précise)

    Ici aussi, ce qui est important, finalement, c’est l’articulation entre deux bases de données : basse de donnée du relief et base de données des adresses (par exemple)

    Je commence à me rendre compte que la clé du journalisme de données, ce ne sont pas les bases de données, mais l’articulation (interopérabilité, compatibilité) entre elles.

  4. 4 nicolas. 28 novembre 2009 à 12:26

    exactement 🙂

    C’est pour ça qu’on a besoin de *journalistes* de données, qui ajoutent de la valeur à l’info en combinant les données, et pas de ‘database architecture manager’ ou de ‘database administrator’.

  5. 5 lemchounchi 29 novembre 2009 à 11:34

    salut, je suis algerien, un ingénieur d’état en science géodisique et travaux topographique je cherche un emploi a l’institut géographique nationale en france

  6. 7 Jeremie Baruch 1 décembre 2009 à 10:12

    L’aspect technique est inutile si on ne sait pas quoi chercher. Le journaliste sert à ça : savoir quelles sont les bases de données qu’il peut chercher/confronter/articuler/croiser avant d’effectivement le faire.
    Autrement dit, il vaut mieux savoir ce que l’on cherche plutôt que d’espérer trouver quelque chose à force de croiser des données…

    Quant aux cartes de l’IGN… elles peuvent éventuellement servir à faire des fonds de carte. Et la fourniture des 36k communes – que je ne connaissais pas – c’est plutôt pas mal!

  7. 8 Alain Chaumet 4 décembre 2009 à 12:20

    Bonjour,
    quelques éléments de réponse sur les questions posées par cet article et ses commentateurs :

    1 – sur la comparaison entre l’API Géoportail et le service semblable de Google, ni Google ni l’IGN n’ont en effet de souci à se faire puisque les buts respectivement poursuivis sont différents ; j’ai expliqué ça ici dans un article qui reste juste pour l’essentiel concernant la cartographie : http://bit.ly/3FMVp2

    2 – Si on appelle « géolocalisation » (le jargon dit plutôt « géocodage ») la transformation d’ adresse littérale ( au sens de la Poste) en cooordonnées géographiques, cette fonction est déjà disponible sur geoportail.fr, pour les départements français ; le service correspondant sera proposé avec l’API Géoportail d’ici quelques mois. Pour le reste, ça ne relève pas de la science-fiction mais il y a encore à faire; à noter que la mise à disposition de manière totalement ouverte du numéro de parcelle cadastrale n’est pour l’instant pas autorisée par la CNIL, cette donnée étant considérée comme indirectement personnelle.

    3- Il aurait en effet été dommage que l’API Géoportail ne permette que d’éditer des cartes figées ; un certain niveau d’interactivité existe avec les partenaires du Géoportail, par exemple avec l’INA qui propose son choisx de videos sur des fiches géolocalisées. L’API Géoportail est par contre totalement ouverte à la créativité des journalistes ou des commentateurs pour le croisement de sources d’origines différentes et de référence.

    Sur certains thèmes d’actualité existent des sources publiques nombreuses et de référence ; toutes ne sont pas cartographiées ou proposées selon des méthodes qui permettent leur réutilisation ; l’une des ambitions du Géoportail est de permettre une avancée en ce sens en augmentant progressivement le catalogue de données géolocalisées disponibles et réutilisables en ligne au moyen de l’API.

    4 – Si l’IGN détient en effet une bonne part de la cartographie de base existante (les référentiels géographiques) et les met à portée de tous au moyen du Géoportail, les bases de données géolocalisées vraiment intéressantes pour du journalisme d’enquête et d’investigation sont plutôt produites par d’autres organismes, notamment pour des thèmes toujours d’actualité comme les données socio-économiques, environnementales et de risque, agricoles, d’urbanisme, des domaines de la santé,…

    L’IGN commence à peine à mettre en ligne certaines d’entre elles ; 2010 devrait permettre d’aller beaucoup plus loin, en respectant toutefois la législation française, donc pas de statistiques plus fines qu l’ilôt IRIS diffusé par l’INSEE, encore moins de statistiques ethniques dont toute tentative est rigoureusement interdite.

    5 – @Nicolas : vous avez raison, ce qui est essentiel est de croiser les données ; n’hésitez pas, elles sont accessibles à l’INSEE, à la DIACT (observatoire des territoires), sur l’INPN et dans quelques ministères; nous sommes tout à fait preneurs de quelques cartes en ligne sur des sujets d’actualité à partir de données de référence et si votre travail nous montre une voie alternative par rapport à nos projets actuels, nous en tiendrons compte bien volontiers.

    6 – @lemchounchi : les postes ouverts à l’IGN en matière de sciences géographiques sont pourvus sur la base de la réussite à un concours selon les conditions habituelles d’accès à la fonction publique en France. Votre nationalité est donc je crois encore aujourd’hui un empêchement; il est évident que la situation économique actuelle, dont l’IGN ressent bien évidemment les conséquences, n’encourage pas les exceptions. Toutes informations et contacts utiles sur ce sujet sont accessibles sur les sites de l’IGN et de l’ENSG.

    Pour finir, mes remerciements, félicitations et encouragements à Caroline Goulard pour agiter ce sujet plutôt difficile mais intéressant un public et des professionnels toujours plus nombreux.


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