Le décryptage économique : un créneau porteur pour le database journalism

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Un récent article de Slate.fr (La télévision française est nulle en économie, 23/11/09, par Oriane Claire), a confirmé mes intuitions : le décryptage de l’information économique pourrait être un créneau porteur pour le database journalism.

Selon un sondage BVA pour le Codice (Conseil pour la diffusion de la culture économique), « 2 Français sur 3 ont soif d’économie ». 71% des sondés estiment que les Français en général sont plutôt mauvais, voire très mauvais, en économie, et 79% aimeraient trouver des émissions télé de décryptage aux heures de grande écoute.

Slate.fr apporte quelques précisions :

« 65% des sondés se disent «mal» informés des changements qui se produisent dans la vie économique en France et pourtant 74% d’entre eux pensent que l’économie est plus importante que la politique.. »

Premières conclusions : il existe une vraie demande pour de l’information économique, et surtout pour de la vulgarisation économique. Les Français sont confrontés à un problème d’accessibilité : l’information existe (Les Echos, La Tribune, sites Web spécialisés), mais ils peinent à la comprendre et à se l’approprier.

Voilà pour la demande, voyons maintenant la perception de l’offre d’information économique.

L’article de slate.fr nous fournit quelques chiffres, toujours en s’appuyant sur le sondage du Codice…

La télévision est donc le média le plus consulté pour l’information économique, et pourtant son offre en la matière est loin d’être satisfaisante, comme l’explique Oriane Claire :

« Les programmes ne parlent pas d’économie, ils expliquent comment faire des économies ou comment éviter les arnaques, c’est du conso mag, rien de plus. »

Principale conclusion à tirer sur l’offre d’information économique : elle ne correspond pas aux attentes et aux pratiques des Français.

En appliquant quelques principes basiques de marketing, on devrait déduire de tout ça qu’une offre de contenus clairs et faciles à comprendre, permettant de mieux comprendre l’actualité économique, aurait toutes les chances de rencontrer un public.

Reste à déterminer la forme et le support de ces contenus. Pourquoi pas un site Web de journalisme de données ? La suite de l’article de slate.fr me donne deux raisons de penser que l’idée serait pertinente.

Premièrement, Oriane Claire déplore que la télévision nuise à la bonne compréhension de l’environnement économique, car elle aborde ce sujet par des histoires individuelles plus que par des nombres. Les récits, les témoignages se prêtent mieux au petit écran que les évolutions dans le temps. Le reproche d’Oriane Claire à la télévision pourrait tout aussi bien être fait à la radio ou à la presse traditionnelle. On reconnaît ici le biais du traitement de l’information évoqué par Adina Levin avec le concept de frogboiling : lorsque le traitement de l’actualité se focalise sur les événements, il ne permet pas de faire émerger les tendances de fond. D’où l’importance d’aborder l’information économique via les bases de données, qui permettent de re-contextualiser des chiffres dans le temps et l’espace.

Deuxièmement, selon les spécialistes de l’audiovisuel cités par la journaliste, l’information économique est peu traitée à la télévision car elle « n’est pas visuelle, elle ne rend pas sur écran ». Sous entendu : l’information économique serait mieux traitée par des mots que par des images. A mon avis, ces spécialistes se trompent complètement. Les sondés du CODICE expriment une attente d’information économique simplifiée, contextualisée et facile à appréhender. Impossible à faire passer dans un article de presse, à moins de rédiger un manuel d’économie pour les nuls (je ne vous refais pas la démonstration de cette affirmation, vous la trouverez ici). Plus que par des images, l’information économique doit être traitée par de la visualisation pour répondre aux besoins des Français. Le PIB, la dette publique, le nombre de chômeurs… autant de données qui ne peuvent être comprises sans être mises en relation avec les résultats des années précédentes, les chiffres des autres pays ou le poids de tel ou tel indicateur dans la constitution d’un indice. Encore une fois, tout converge pour conclure que le journalisme de données est la meilleure manière de traiter l’information économique, et qu’il existe là un créneau qui me semble porteur.

Je vais terminer ma démonstration par un exemple. Dans son article, la journaliste Oriane Claire s’attarde sur le traitement du surendettement. Phénomène traité avec un ton tragique à la télévision, mais sans mise en perspective avec la part de la population concernée (moins de 1% des foyers français). Le journaliste de données aurait ici privilégié une comparaison entre la part des foyers surendettés et la part des foyers qui épargnent. Il aurait ainsi pu faire remarquer, comparaisons internationales à l’appui, que la France bénéficie d’un taux d’épargne parmi les plus élevés au monde. Et s’il avait été inspiré, notre journaliste de données en aurait profité pour mettre en relation l’endettement des ménages français (très faible) avec celui de l’Etat français (très fort), une situation qu’il est très intéressant de comparer avec celle d’autres pays européens. En Grande Bretagne par exemple, la situation est inverse, avec un fort endettement privé et un faible endettement public.

Pour le moment, seuls 28% des français consultent de l’information économique sur Internet (sondage CODICE). Gageons que le database journalism fera évoluer cette situation.

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2 Réponses to “Le décryptage économique : un créneau porteur pour le database journalism”


  1. 1 régine T 21 décembre 2009 à 3:08

    Ce renversement de perspective introduit par le journalisme de BDD est intéressant. Il pourrait être utile de le rapprocher du nouveau paradigme de l’information introduit par les représentations visuelles des projets. Je pense aux logiciels de cartes mentales (mind map) qui présentent l’info de façon non linéaire et en dynamique, qui synthétisent des idées clés par des images. exemple de logiciel : mind manager ou Inspiration…
    L’objectif est cependant un peu différent : c’est moins aider à la compréhension, que aider à la créativité et à un nouveau regard sur les choses.

  2. 2 carolinegoulard 21 décembre 2009 à 3:54

    Tout à fait d’accord. Le journalisme de données partage des pistes avec le journalisme visuel.

    Pour approfondir : http://mediabiz.branchez-vous.com/2007/10/journalisme_visuel_des_pistes.html


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